Remettons nous dans le contexte…
On est en 1993, période où Nirvana, emmené par l’infâme Kurt Cobain, est à son summum de popularité (à son plus grand désarroi).
Un petit groupe anglais est passé en boucle sur les collèges radio américaines : des dénommés Radiohead…
Leur chanson « Creep », cartonne aux States puis bientôt dans le monde entier, énorme succès international…
Les rocks critics ne donnent pas cher à ce groupe qu’ils traitent déjà d’1 « one hit band ».
A cette époque, Radiohead se cherchait, ne savant pas trop comment sonner, ils produisaient une musique trop électrifiée, bourrée de guitare, nettement influencée par les courants musicaux d’alors… L’album de 93, Pablo Honey, contient quelques perles (Stop Whispering, Anyone can play guitar) mais sans plus… N’empêche, il se vend tout de même particulièrement bien grâce à son titre devenu un classique : « Creep ».
2 ans se sont écoulés : 1995. Le groupe pendant ces deux années a assez mal vécu le succès, ne s’y attendant pas du tout, et la pression qui reposait sur leurs épaules était énorme. Les uns attendaient un album avec que des petits « Creep », les autres ne faisaient que se foutre de ce groupe d’Oxford qui, de toutes façons, n’allait rien faire d’autre.
Surprise Gé-Né-Rale. Monumentale. Avec The Bends, le groupe de Thom Yorke réussit même l’inimaginable. Ils arrivent à faire oublier l’album et surtout la chanson maudite (qu’ils ne rejouèrent plus sur scène jusqu'à ce concert aux Etats-Unis en Août 2003 soit…10 ans après !). Leur musique était devenue une pop/rock somptueuse.
Qui l’eut cru ? Le feu de paille Radiohead (nom qui leur vient d’une chanson des Talking Heads) était devenu LE nouvel espoir anglais, celui qui ferait oublier le grunge à bout de souffle à la planète rock du moment. Et puis, enfin nos anglais reviendrait sur le devant de la scène se réaffirmant par le biais de se groupe comme plus grande nation du rock !
Méprisé alors pas les critics, Radiohead était maintenant respecté de tous.
Entre temps (94), il y avait bien eu un Ep, My Iron Lung, dont la chanson épynonyme laissait présager une suite lumineuse mais on était loin d’imaginer nos Oxfordiens capables d’écrire de véritables hymnes, le plus souvent au désarroi, comme la magnifique chanson « Street Spirit (fade out) ».
Cet album est une véritable mine à single et pas moins de 5 chansons furent tirées de The Bends pour sorti en maxi (les B-Sides étant elles aussi fantastiques !!!).
Principale évolution ? Thom Yorke. Il n’essaya plus de la casser ou encore de la rendre plus grave (il ne la supportait pas et la trouvait trop monotone…). Thomas prit enfin conscience du trésor qu’était son timbre de voix et il l’exploita pleinement dans ce disque. Cette voix rendait les chansons chaleureuses, intimistes (Fake plastic Trees), différentes de tout ce qu’on avait connu avant (appart Jeff Buckley). Vous n’avez cas écouté « Creep » et « High and Dry », vous verrez la différence….
Bref, Radiohead a enfin sa musique propre, composé d’une voix douce sur des rythmiques (Street Spirit), des riff imparables (My Iron Lung) et surtout, surtout, des solos aériens, électriques lais humains : Johnny Greenwood fit des merveilles avec sa Fender Telecaster…
Johnny Greenwood se démarque du lot à un tel point que certains allèrent même jusqu’à affirmer qu’il faisait maintenant parti du cercle très fermé des virtuoses rock de la gratte, restant dans les anales entre Jimi Hendrix et Jimmy Page (à tout hasard).
Virtuose, je ne sais pas, mais on peut, en tout cas, saluer l’inventivité de ce dernier. D’ailleurs, il fut l’ultime membre à intégrer le groupe (sous la pression de son frère Colin, le bassiste). Thom Yorke n’était, au départ, pas très chaud (émettant comme argument qu’ils étaient déjà deux guitaristes….) mais lorsqu’il vit ce bout d’homme jouer, il l’embaucha immédiatement. Ce gars là avait déjà un style indéniable, hors du commun, à mi-chemin entre feedback des ténèbres et distorsions orageuses.
En outre, un grand nombre de fan de la première heure éprouva un profond désarroi lorsque Kid-A (le 4ème album) paru. En effet, Johnny s’était reconverti en « informaticien » de la musique, préférant bidouiller ses ordis, que « molester » sa guitare (Greenwood junior est passionné par tout ce qui touche au style techno et on sait qu’il a sorti un bon nombre de disque sous divers pseudonymes)…
On peut néanmoins admirer toute l’étendue de son talent sur scène où il excelle, dans son monde, les yeux obstrués par ses longs cheveux, fonctionnant à l’instinct.
Bref, vous l’aurez compris, The Bends est pour moi l’album de ma vie. Ici pas une note ne sonne fausse ou de trop, tout y est parfait. Des solos interstellaires aux envolées lyriques venant directement concurrencer le maître en la matière : Jeff Buckley (et nous prouver que Muse n’est vraiment qu’un pâle ersatz…)
Et puis, on peut dire que cet album est une sorte de chef d’œuvre, ou de perle oubliée, son successeur, Ok Computer, lui faisant une ombre indéniable….
Mais si vous deviez n’en posséder qu’un….PJ (27/09/2003)
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